Face à une organisation du travail hors norme, comment pérenniser au mieux la formation professionnelle ?

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Les impacts du COVID-19 sur la formation professionnelle continue

Après avoir vécu une situation de travail hors norme ces derniers mois, les centres de formation professionnelle tout comme les directions formation en entreprise cherchent un nouveau souffle et se demandent comment s’organiser pour assurer au mieux la continuité de l’activité. Faudra-t-il désormais privilégier des actions de formation 100% digitales ? Au-delà de la seule dimension pédagogique – loin d’être toujours parfaitement opérationnelle – est-ce que tous les processus commerciaux et administratifs peuvent s’y adapter rapidement ? Car n’oublions pas que la réforme de la formation professionnelle a bouleversé toute l’ingénierie de financement, et la manière de vendre ou d’acheter de la formation n’est plus la même… En cette rentrée 2020 pas comme les autres, nous avons souhaité faire le point…

Des centres de formation « bousculés » à plusieurs niveaux

Si le développement des compétences figure toujours parmi les priorités des acteurs publics et des entreprises pour dynamiser le marché du travail, les deux mois de confinement au printemps 2020 ont bousculé les plans de formation prévus. L’activité de certains centres s’est complètement arrêtée puisqu’il n’était plus possible d’accueillir les stagiaires en présentiel, et que pour la plupart d’entre eux, le système d’information pédagogique et administratif était loin d’être suffisamment dématérialisé pour poursuivre l’activité à distance dans des conditions satisfaisantes. D’autres centres de formation plus avancés cherchaient quant à eux à promouvoir leurs formations onlines mais se retrouvaient face à des entreprises dont les salariés étaient pour beaucoup en chômage partiel.

La crise du Covid-19 a donc fortement impacté le secteur et particulièrement les centres de formation alors qu’ils étaient déjà malmenés par la réforme en cours. Parmi les chantiers prioritaires 2020, l’obtention de la certification Qualiopi  pour continuer à percevoir des financements de l’état à partir du 1er janvier 2021 a finalement été repoussée à 2022, faute de pouvoir accueillir les auditeurs dans les locaux en situation réelle. En revanche, les textes de lois ne précisent pas à ce jour quels seront les critères d’obtention des financements pour 2021 et si la certification Datadock ou des certifications CNEFOP seraient suffisantes.

Un certain flou plane donc sur le rythme de la réforme auquel s’ajoutent de fortes incertitudes sur les perspectives d’activité de fin d’année. Les entreprises chercheront vraisemblablement à réduire leurs dépenses et à optimiser leurs achats de formation en négociant davantage les prix. Cette mise en concurrence favorisera sans doute les centres de formation les plus matures en termes de démarches commerciales et marketing.

Dans ces conditions, quelles sont les vraies priorités stratégiques des centres de formation pour réagir face aux impacts du Covid-19 ? Comment rebondir et construire dès maintenant un centre de formation à la fois performant et résilient pour s’adapter au « monde d’après » ?

La digitalisation des formations est-elle systématiquement adaptée ?

Avec la généralisation du télétravail du jour au lendemain, toutes les organisations publiques et privées ont dû mettre en place des solutions dans l’urgence. On a assisté à une véritable digitalisation à marche forcée dans tous les domaines. La formation à distance via des dispositifs online est alors vite apparue comme la solution incontournable pour poursuivre l’activité. Une enquête lancée par la FNADIR (Fédération Nationale des Associations Régionales de DIRecteurs de Centres de Formation d’Apprentis) montrait en mai 2020 que 92% de ses adhérents avaient déployé une solution de formation à distance.

Malheureusement, les cours à distance ne sont pas toujours adaptés et compliquent parfois le travail des formateurs comme des apprenants. Certains éprouvaient régulièrement des difficultés, ou pire, ne disposaient pas des équipements informatiques et connexion internet suffisants pour bénéficier de cette continuité pédagogique. Une enquête auprès du réseau des Carif-Oref (RCO) mettait ainsi en avant que 48% des apprenants ont rencontré des problèmes d’accès aux contenus pédagogiques et 20% n’avaient pas le matériel informatique requis. De plus, la digitalisation n’est pas toujours possible : cette même étude révélait que pour 46% des structures, le présentiel est indispensable car elles ont besoin d’éléments physiques pour délivrer leurs formations (plateaux techniques visant à l’apprentissage des gestes professionnels par exemple).

Côté entreprise, les responsables formation préfèrent également des sessions en présentiel pour favoriser la possibilité d’échanger avec les autres participants et renforcer l’acquisition des compétences professionnelles recherchées. C’est pour cela que les entreprises semblent avoir plébiscité les classes virtuelles avec un formateur à distance pendant le confinement, permettant ainsi aux stagiaires de confronter leurs expériences et leurs problématiques.

La vague de digitalisation des formations sous différents formats reste malgré tout inéluctable mais il est important de ne pas se précipiter et de bien s’y préparer : évoluer vers du e-learning lorsque cela est possible prend du temps et a de nombreux impacts qu’il faut bien appréhender. Les contenus pédagogiques tout comme les modalités de suivi administratif et financier doivent être adaptés au contexte à distance. Les processus administratifs des centres de formation reposent encore trop souvent sur les heures stagiaires et les feuilles d’émargement.

La bonne démarche pour penser le monde d’après ? Favoriser de nouvelles interactions basées sur l’intelligence collaborative

La rationalisation de l’achat des formations, l’incertitude sur les perspectives d’activité et la digitalisation vont également changer la manière dont les directions formation vont bâtir le plan de développement des compétences et on peut désormais imaginer une manière beaucoup plus agile de le construire. Auparavant, les demandes étaient consolidées à l’automne pour déterminer le budget de l’année suivante puis le plan n’évoluait quasiment plus, sauf pour les formations obligatoires imposées telles que les renouvellements ou pour les nouveaux entrants.

La quête de résilience et de flexibilité des organisations va renforcer le besoin d’un recueil permanent des demandes de formation pendant l’année afin de pouvoir s’adapter au mieux à l’évolution de l’activité. Les demandes pourront être traitées davantage au fil de l’eau, surtout si les interactions peuvent se faire à distance : le salarié ou le manager exprime son besoin de formation dans un portail collaboratif et sa demande évolue jusqu’à la validation et son inscription si elle est acceptée. L’objectif est de conserver une agilité totale : certaines formations pourront être ajoutées et d’autres en présentiel annulées ou reportées. Les formats s’adapteront également et des classes virtuelles de partages de compétences pourraient rapidement être systématisées en interne et/ou avec les partenaires.

Pour s’adapter à cette nouvelle situation et maintenir les interactions, c’est tout le système de gestion de la formation qui doit être facilement accessible à distance. Ce que la crise sanitaire du Covid-19 a révélé aux entreprises est qu’elle ne peuvent continuer à bien gérer la montée en compétences des collaborateurs que si elles disposent des outils digitaux adaptés. Pour atteindre leurs objectifs, elles doivent s’appuyer sur des systèmes de workflows permettant de traiter les demandes de formation depuis n’importe où en impliquant toutes les parties prenantes afin de créer une véritable intelligence collaborative.